Eaton et le Prince

À Brocéliande, quatorze vents, au logis d’une sorcière blanche, 

Cric et Crac, mes chers amis, j’ai une petite histoire dans mon sac, un sac étrange, un sac dans lequel les choses inestimables ne sont pas toujours les plus belles.

Il était un pays très lointain, peuplé de nombreux animaux étranges et merveilleux comme des licornes, des dragons et des chats sauvages. 

Au début de notre histoire, le petit chat Eaton vivait librement chez une jeune fille appelée Julaye. Ils partageaient ensemble une humble maisonnée et leur complicité était sans limites, pour toutes les bonnes et les mauvaises petites choses de la vie, comme deux âmes soeurs.

Un jour, un très beau et riche prince d’un pays voisin organisa un grand bal pour toutes les jeunes filles des alentours. Il voulait épouser celle qui lui apporterait la plus belle chose sur terre.

Le grand jour arriva et ce fut un long défilé de jeunes filles, plus belles les unes que les autres dans leurs magnifiques robes de soirée, prêtes à tout pour emballer le coeur du fortuné prince.

Comme il l’avait demandé, chacune d’elle portait la plus belle chose sur terre, une magnifique fleur, un merveilleux gâteau, un fabuleux bijou, un fruit exotique … 

La belle Julaye, simplement vêtue, était accompagnée de son petit chat sauvage qu’elle tenait serré dans ses bras, parce que leur amitié était la plus belle chose au monde.

Quand la jeune fille se présenta devant le prince, celui-ci la regarda d’un air dédaigneux et la renvoya dans l’instant. Elle quitta le bal déçue de n’avoir pu expliquer la raison de son choix.

Eaton et Julaye rentrèrent chez eux sans un mot, consternés et peinés. Et puis la vie reprit son cours, les deux amis partageaient toujours les bons et les mauvais moments, prenant mutuellement soin l’un de l’autre.

Des années passèrent lorsque nos deux amis, se baignant dans la rivière, entendirent une personne crier au secours. C’était le jeune prince, le pied coincé sous un rocher, qui était en train de se noyer. Le chat sauvage, qui n’était ni rancunier ni couard malgré sa petite taille, n’hésita pas un instant, sauta à l’eau et le sauva d’une mort certaine.

Alors qu’il se remettait de ses émotions, le prince reconnut la jeune fille et son animal sauvage et compris que les choses inestimables ne sont pas toujours les plus belles. Qu’il est préférable d’avoir une belle âme et de la générosité.

Le jeune monarque demanda humblement pardon aux deux amis et, toujours célibataire, sollicita la belle Julaye en espérant pouvoir un jour convoiter sa main.

Sans surprise, elle refusa tout net la proposition du prince. Un palais n’est pas un lieu adapté pour un animal sauvage et elle ajouta : « je ne vais pas me séparer de mon âme soeur, je suis une femme libre ».

Le prince devint néanmoins un bon ami des deux alter ego. Julaye et lui se rendaient mutuellement visite aussi souvent que leurs obligations leur permettaient pour partager ensemble les bons et les mauvais moments de l’existence.

ils vécurent ainsi heureux très longtemps, et n’eurent aucun enfant.

Cric et crac, mes chers amis, voilà cette petite histoire sortie de mon sac.

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