Les gares de Dakar et de Rufisque, construites en 1914, sont classées aux Monuments Historiques du Sénégal. Leur rénovation s’achève dans le cadre du nouveau Train Express Régional (TER) qui reliera Dakar au nouvel aéroport AIBD en passant par la ville nouvelle de Diamniadio.

Le Goethe Institut a organisé une présentation du livre écrit par Xavier Ricou avec des photographies d’archives de l’auteur pour la partie historique et du photographe Malick Welli pour la partie rénovation. Le livre est complété d’informations et plans du projet fournis par l’architecte, le cabinet GA2D représenté en séance par la cheffe du projet Caroline Grieffaud.

Né à Dakar en 1959, Xavier Ricou est un architecte adepte du grand écart entre le passé et le futur qui travaille aujourd’hui à l’Agence pour la Promotion des Investissements et grands travaux (APIX) sur les grands projets d’infrastructures de l’Etat sénégalais, après avoir travaillé pour l’Unesco à l’élaboration du Plan de sauvegarde et de mise en valeur de la ville de Saint-Louis. Agissant en tant que maître d’ouvrage pour l’APIX, il coordonne des projets ambitieux orientés vers le futur tels que la construction d’autoroutes ou de nouveaux quartiers.
Xavier Ricou tient un blog et une page facebook très connue sur des sujets d’histoire, d’iconographie et de généalogie des familles métisses du Sénégal : http://senegalmetis.com.


Xavier Ricou pendant la présentation de son livre au Goethe Institut

L’audio de la présentation est ici capté par mon mobile (qualité plutôt bonne)

La vidéo de la présentation réalisée par le Goethe Institut se trouve sur leur page facebook ici (qualité plutôt moyenne).

J’ai réalisé une vidéo de la partie présentation PPT de très bonne qualité, me contacter au besoin, le fichier est trop lourd pour le site ici.


◆ L’architecture au Sénégal est un sujet qui n’intéresse pas grand monde mais les personnes intéressées le sont vraiment. Des sentinelles du patrimoine vigilants au devenir du patrimoine architectural du pays.
◆ Ce patrimoine est en danger et c’est un pan de l’histoire qui disparait. Pour éviter que les malheurs ne se reproduisent, il faut essayer de sensibiliser par tous les moyens possibles, les jeunes en particulier, tout le monde en général. Il faut que les jeunes prennent la relève.
◆ La réfection de la gare a pris trois ans. Deux ans prévus initialement mais le chantier a duré plus longtemps que prévu.
◆ Toute la partie historique du livre est basé sur des documents et photos, collectés au fil du temps (musées, institutions, internet …) mais aussi des gens qui en envoient de manière spontanée.
◆ Le livre est préfacé par le Président Macky Sall, signe de son intérêt à la fois pour le train et pour le patrimoine et l’histoire du pays. Le soutien s’est fait à travers Eiffage Sénégal qui a réalisé les travaux de rénovation de la gare de Dakar et aussi celles de Rufisque.
◆ Le gros du travail de rénovation a consisté à refaire, avec l’aide de l’artiste Mauro Petroni, les céramiques de la façade de la grande place.

◆ Dans les contributions au livre, celles d’historiens, notamment Pierre Rosière, et son ouvrage « gares et trains du Dakar Saint-Louis » publié en 2008 aux éditions du Centaure, un ouvrage de référence sur les différentes gares.
◆ Le livre a une première partie consacrée à l’histoire de la gare et une seconde partie consacrée au chantier de rénovation.
◆ La rénovation s’est basée sur les travaux du cabinet d’architectes GA2D, Mme Caroline Griffaud en était la chef de projet.
◆ Pour l’anecdote, la gare n’avait jamais été inaugurée. Achevée en 1914, le début de la 1ere guerre mondiale avait reporté cette inauguration. Il aura fallut attendre le début 2019 avec le Président Macky Sall qui suit le chantier depuis le début jusqu’à son achèvement.
◆ Les chantiers de réhabilitation des deux gares Dakar et Rufisque ont commencé à peu près simultanément. Pour les deux sites il a fallu penser à une réhabilitation totale du bâtiment existant avoir la création d’un bâtiment neuf en continuité avec l’existant. Sauf que les deux gares sont radicalement différentes, des échelles et des architectures différentes.
◆ La première décision c’est d’essayer absolument de retrouver l’architecture originelle du lieu. Avec l’extension, il était possible de marquer le projet et de l’inscrire aussi dans une modernité plus contemporaine. Mais décision prise de rester au plus proche de ce qui avait été construit.
◆ Beaucoup de recherches sur les matériaux et sur les couleurs et quelques choix un peu plus contemporains pour s’inscrire dans leur environnement urbain de Dakar et de Rufisque : un lieu public devant ces gares en dégageant les parvis, et un lieu de rencontre pour les voyageurs. Une forme d’espace politique aussi pour la ville.
◆ Des choix techniques aussi pour tenir dans les exigences du planning, notamment pour la gare de Dakar. Toute la structure originelle était en acier très corrodé. Deux choix possibles : Soit la démonter, la restaurer et la remonter intégralement. Soit renforcer la structure existante en doublant avec des structures béton, une solution technique plus rapide. C’est ce dernier choix qui a été réalisé avec visuellement bien discerné la structure nouvelle de l’ancienne.
◆ Pour la gare de Dakar, l’extension est un bâtiment entre la gare existante et les quais. Ne pas enfermer une continuité visuelle entre les quais et la place des tirailleurs. A Rufisque, c’est dans la continuité physique du bâtiment historique.
◆ Quand le chantier a démarré, l’architecte était assez peu documenté sur l’histoire de la gare. Il a fallut rechercher, gratter les matériaux pour retrouver les couleurs car les photos de l’époque sont en N&B. Une forme de travail d’archéologues pour essayer de retrouver les matériaux et les couleurs d’origine.
◆ A Rufisque une belle surprise avec la possibilité de récupérer tous les poteaux en fonte qui avaient été coulé dans du béton. L’équipe les a ressortis.
◆ Les persiennes et les matériaux comme les céramiques, intervenir de manière contemporaine mais sans polluer le bâtiment d’origine.
◆ La rénovation s’est inspirée des méthodes ancestrales, il y a très peu de nouvelles technologies, pour éviter des problèmes ultérieurs de maintenance. Par exemple pour la climatisation, aucun équipement, de la ventilation naturelle avec des espaces de végétation, des persiennes ouvertes, des grands espaces – ombrière à Dakar – à l’abri du soleil, des façades avec des matériaux en briques de terre crue à Rufisque …

Annonce aux voyageurs
« Plus aucun train ne siffle dans mes entrailles depuis 2006. L’horloge à mon fronton est arrêtée à 8h13. Classée aux Monuments Historiques, je suis la gare du Dakar Saint-Louis. On m’appelait chef d’oeuvre de l’architecture coloniale mais je suis devenue un squelette fantomatique de métal et de briques, vestige d’un empire disparu, affaibli par les hivernages successifs, abandonné aux vents et aux vagabonds. Mes immenses baies circulaires sont occultées par des persiennes disjointes qui ne filtrent plus la lumière, et la poussière s’accumule sur mon carrelage. Les garde-corps de mes coursives aux fins balustres de fer forgé brinquebalent. Et mes parements de briques jaunes, mes dentelles de métal ajouré et mes céramiques aux délicates nuances de jaune et vert ternissent au soleil. Quelques voitures toujours accrochées à leurs locomotives rouillent doucement, abandonnées sur les rails. Ma petite soeur de Rufisque, éloignée de 29 kilomètres, n’est pas dans un meilleur état. Triste abandon ! On a même pensé à nous raser, à nous effacer définitivement de la mémoire des hommes. Mais heureusement des génies protecteurs veillaient sur nous …»

Xavier Ricou, 2019

◆ Lors de la construction de la ligne, la jonction, le dernier boulon, il a été fixé dans la commune de Ndandé (où j’ai trouvé une gare abandonnée).
◆ Thiès est un centre logistique important et il reste beaucoup de patrimoine ferroviaire, tout à fait exceptionnel. La cité ferroviaire est extraordinaire. Elle est probablement en train de disparaître parce qu’elle n’intéresse personne. Il faudrait la mettre en valeur. Cette citée est-elle patrimoine mondial de l’UNESCO ?
◆ Montrer au Sénégalais les voitures et locomotives de l’époque, rénovés, compléter le musée de Thiès qui se trouve dans l’enceinte de l’ancien fort.
◆ La restauration du patrimoine, c’est aussi des opportunités de former des sénégalais à des métiers de réhabilitation, des écoles de chantier avec la Direction du Patrimoine mais ça reste des procédures administratives compliquées.
◆ La gare de Dakar n’était pas au patrimoine mondial mais classée aux monuments historiques du Sénégal, et à ce titre sous la responsabilité de la Direction du Patrimoine Culturel, une administration aux ressources très limitées et qui intervient avec difficulté du fait de la spéculation foncière.
◆ Cette Direction du Patrimoine Culturel réalise un projet par an (cathédrale de Saint-Louis, cathédrale de Dakar …). Concernant la gare de Dakar, c’est différent car dans un projet intégré avec le TER avec l’APIX en maitre d’ouvrage délégué pour le compte des différents départements ministériels : ministère de la culture, ministère des infrastructures …

« Notre fierté d’avoir réalisé toutes ces décorations à Dakar avec une compétence sénégalaise, d’avoir plongé encore une fois dans l’histoire de la ville et de sa fondation. Dans la suite logique du marché Carmel que nous avions restauré en 95. Sauvegarder ces monuments de la destruction constitue le dernier rempart contre la spéculation foncière qui rase aujourd’hui les briques de notre histoire. C’est avec cette espoir que ces exemples là puissent servir de Sentinelles encore une fois. Merci. »

Xavier Ricou

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