Je suis en route pour Ouaga, projetée plus de vingt années en arrière …

J’ai pris un billet Air Burkina. Le temps de vol théorique depuis Dakar est de 2h50 mais le pilote a annoncé au décollage un temps de 2h10.

C’est assez fréquent dorénavant que les compagnies annoncent de tels écarts, pour éviter des pénalités de retard …

Les sièges économie sont très confortables dans cet Embraer 195.

Place 6A, côté fenêtre gauche, comme à mon habitude.

J’ai horreur d’être dérangée mais j’adore le faire quand j’ai une envie pressante.

Mon côté princesse chiante qui ressort.

Hier soir, lors de notre apéritif et alors que je bataillais ferme pour allumer les lampes décoratives, refusant toute aide, Éric, l’hôte de la Villa D, m’a balancé que j’étais une « moi je ».

Je lui ai donné raison en précisant que cette remarque ne me faisait pas plaisir mais qu’il me fallait assumer ce trait de ma personnalité.

Je suis égocentrée. Torop même.

Cela ne m’a pas empêché de leur ouvrir une bouteille de champagne pour fêter mon entrée à SciencesPo.

Ou d’échanger sur ce bâtiment délabré style saint louisien, qui me fait des clins d’œil.

Cet ancien comptoir de Sokone que j’envisage de rénover.

A mi chemin entre le bac de Foundiougne et la réserve naturelle de Fathala, au centre du bourg.

Le comptoir du carrefour, comme ma vie.

Perdue dans toutes ces pensées, je repense à mes dernières journées passées à quelques lieux de cette frontière Gambienne.

Mon changement de vie prends une tournure étrange.

Pour savoir où je veux aller, effectivement je n’en ai pas terminé avec d’où je viens.

Une prise de conscience que j’avais été un peu rapide à oblitérer mes premières années dans ce monde.

A mon retour de Fathala j’ai déposé ma demande de visa pour le pays des hommes intègres.

Une des forces de mon père adoptif justement, ne jamais louvoyer sur la ligne jaune.

J’ai demandé un multiple-entrées pour un an, la durée maximale ; que j’ai obtenu sans aucune difficulté.

Ce qui est original dans mon cas, c’est que je me suis octroyé et signé un justificatif, un ordre de mission longue durée.

La ligne jaune quoi …

Mon intuition me dit que ce n’est que le début d’une nouvelle aventure.

Du coup, j’ai pris aussi la carte de fidélité Air Burkina … des fois que je me fasse surclasser au retour, as usual dès que je voyage …

Et demain soir il se pourrait que je rencontre le responsable des vols Bobo Ouaga.

Ça marche comme ça ici.

Certainement un effet de la digestion, l’avion s’anime un peu.

Tout le monde vient de se restaurer. Ni bon ni mauvais mais sans aucune jalousie avec l’ennuyeux plateau Air France.

La rangée devant moi, un local hurle, probablement les oreilles bouchées. Il palabre activement avec son voisin.

A ma droite, un autre local aspire bruyamment son café brulant.

Il y a quelques minutes, je lui ai offert quelques lingettes pour nettoyer sa chemise et son fauteuil, arrosés par un jus d’orange servi dans un verre plastique un peu capricieux.

J’ai saisi mon téléphone et j’écris ce texte.

Je ne sais pas encore si je vais le publier.

Je ne veux rendre personne triste.

De nouvelles rencontres, de nouvelles joies, de nouvelles peines, beaucoup d’émotions.

Mon voisin me tend sa carte de visite. SOS Sahel Burkina, membre de l’équipe qui vient parfois dormir à la Villa D, leur QG est à quelque pas de mon logement dakarois.

Je lui parle de mes activités. Il a pris ma carte, ils ont un problème et je vais pouvoir les aider.

J’ai quitté la toute relative fraîcheur matinale sénégalaise à 21 degrés, je pose les pieds sur le tarmac burkinabé, brûlé par une ombre à 40 degrés.

Ma vie est dorénavant sur ce continent.